Et à l’heure de Vénus[1] il s’avance à pas lents
jusqu’aux lices, là où son temple était,
et il se met à genoux ; et le visage humble
et le cœur douloureux, il lui dit ce qu’allez entendre :
« La plus belle des belles, ô madame, Vénus,
fille de Jupiter et épouse de Vulcain,
joie de la montagne de Cithéron,
par cet amour que tu eus pour Adonis,
aie pitié de mes amères larmes cuisantes
et prends mon humble prière à cœur.
Hélas ! je n’ai point de langage pour dire
les effets ni les tourments de mon enfer ;
mon cœur ne peut pas révéler mes douleurs ;
je suis si troublé que je ne puis rien dire.
Mais pitié, dame brillante, qui connais bien
ma pensée et vois quelles souffrances je ressens,
considère tout cela et compatis à ma peine,
aussi vraiment que je serai à tout jamais
de toutes mes forces ton loyal serviteur
et serai toujours en guerre avec chasteté ;
de cela je fais vœu, pourvu que vous m’aidiez
Je n’ai cure de la gloire des armes,
et je ne demande pas demain à avoir victoire
ni renom en cette affaire, ni vaine gloire
du triomphe des armes clamé par les fanfares ;
mais je voudrais avoir complète possession
d’Émilie, et mourir à ton service ;
trouve le moyen, toi, et la meilleure manière.
Je ne m’inquiète pas s’il vaut mieux
que j’aie sur eux la victoire ou bien eux sur moi,
pourvu que j’aie ma dame dans mes bras.
Car s’il est vrai que Mars est dieu des armes,
votre puissance est si grande au ciel là-haut
que, s’il vous plaît, j’aurai bien ma maîtresse.
Ton temple je veux l’adorer à tout jamais,
et sur ton autel, que je sois à pied ou à cheval[2],
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