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commit une seconde injustice contre la philosophie. Si l'on en croit Origèue, Aristote avait donné lieu aux accusations d'impiété. Dans les conversations particulières, il ne se ménageait pas assez ; il osait soutenir que les offrandes et les sacrifices sont tout-à-fait inutiles, et que les dieux n'avoient pas besoin de la pompe extérieure des temples. » Quoiqu'il en soit, il mourut loin de sa patrie (on ignore si ce fut naturellement ou volontairement), l'an 322 avant J. C., à 63 ans. Il ne survécut que deux années à son disciple Alexandre, à la mort duquel on l'avoit faussement accusé d'avoir eu part. Les Stagyrites enlevèrent le corps de ce grand homme, lui dressèrent des autels, et lui consacrèrent un jour de fête. Il laissa de sa femme Pythias une fille, qui fut mariée a un petit-fils de Démarate, roi de Lacédémone. Il avait eu aussi d'une concubine un fils nommé Nicomachus comme son aïeul : c'est à lui qu'il adressa ses Livres de morale. Le sort d'Aristote après sa mort n'a pas été moins singulier que durant sa vie. Il subjugua les esprits et les opinions, fut long-temps le seul oracle des écoles, et ensuite trop dédaigné. Le nombre de ses commentateurs, anciens et modernes, prouve le succès de ses ouvrages. Quant aux variations que sa gloire a éprouvées, on peut consulter Launoi, dans son livre intitulé De varia Aristotelis fortunâ ; et Patricius, dans ses Peripateticoe Discussiones. Diogène Laërce rapporte quelques-unes de ses sentences : « Les sciences ont des racines amères, mais les fruits en sont doux. — Il y a la même différence entre un savant et un ignorant qu'entre un

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homme vivant et un cadavre. — L'amitié est comme l'ame de deux corps. — Il n'y a rien qui vieillisse sitôt qu'un bienfait. — L'espérance est le songe d'un homme éveillé. — Soyons amis de Socrate et de Platon, et encore plus de la vérité. — Les lettres servent d'ornement dans la prospérité, et de consolation dans l'adversité. — La philosophie apprend à faire volontairement ce que les autres font par contrainte. — La vertu tient un juste milieu.» On l'interrogeait pourquoi on goûtait tant de plaisir à voir une belle figure? « C"est là, répondit-il, la demande d'un aveugle.» Il définissait un bon livre, « celui ou l'auteur dit tout ce qu'il faut, ne dit que ce qu'il faut, et le dit comme il faut. » Le Baharistan, ouvrage indien, rapporte cette maxime politique d'Aristote : « Qu'un prince doit plutôt ressembler au vautour qui est au milieu de la proie, qu'à une proie entourée de vautours. » C'est-à-dire, qu'il est aussi utile à un prince de savoir tout ce qui se passe autour de lui, qu'il lui est pernicieux que ses voisins sachent ses propres affaires. La philosophie d'Aristote n'était point sauvage ; il avait la politesse d'un courtisan, et toutes les qualités d'un véritable ami. Il confia en mourant ses écrits à Théophraste, son disciple et son successeur dans le lycée. Celui-ci les légua à son tour à Nélée de Scepsis, dont les héritiers en négligèrent beaucoup la conservation. Ils se trouvèrent dans la bibliothèque d'Apellicon de Téos, qui venoit de mourir lorsque Sylla prit Athènes. On admire comment il a pu en composer un si grand nombre, et y répandre autant de variété. Les plus estimés sont sa