Page:Chaudon, Dictionnaire historique, 1766 tome 1-A-DYN.djvu/17

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PREFACE.

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Il seroit inutile d’enfler notre Diciionnaire des noms oubliés des mauvais Auteurs. Parmi les Ecrivains , nous choisirons ceux qui ont fait le plus d’honneur aux Lettres, & à leur siécle. Autant le public s’intéresse au détail de la vie , & des ouvrages des grands génies ; autant est-il fatigué de la liste des productions d’un Ri meur plat , ou d’un Compilateur ennuyeux. Les articles d’un Cor meille, d’un Racine, sont toujours trop courts , aux yeux d’un hom me de goût ; & ceux d’un Pradon, d’un Cassagne, toujours trop longs. On ne parlera du rôle que ces Rimailleurs ont joué dans la répu blique des Lettres , que pour montrer le peu de droit qu’ils avoient de se comparer aux grands hommes, & pour préserver les jeunes † de la lecture de leurs platitudes. Si les Rois qui n’ont signalé eur régne ni par aucun établissement utile , ni par leur valeur, ni par leur vertu , ne méritent pas d’être cités ; pourquoi tireroit-on de la poussiere, les Auteurs d’un Poëme insipide , ou d’un Roman bizarre ? Arracher ces morts à leur obscurité , c’est troubler leurs cendres , pour renouveller leur confusion. C’est chercher dans la poussiere du tombeau dequoi ennuyer les vivans. Cette partie de notre Préface regarde les Savans , qui auroient voulu que nous donnassions un extrait de tous les articles du Moreri bons ou mauvais. Notre Ouvrage eut été plus étendu & n’en eut pas valu mieux. De deux mille articles du grand Diciionnaire Histo rique , il y en a près de la moitié qui n’intéresse aucun Lecteur. C’est ainsi qu’en jugeoit le célebre Abbé Desfontaines. Il a fallu faire un choix. On ne battit pas ordinairement sa maison en brique , uand on trouve de la bonne pierre. Nous nous sommes bornés à † mention des personnages célébres, ausquels M. l’Abbé Ladvocat a donné place dans son Dictionnaire , en y ajoûtant environ mille articles qu’il avoit oubliés. Nous aurions pû en retrancher un grand nombre qui ne méritoient pas trop son attention ni celle du public, mais les Lecteurs , qui ne jugent ordinairement que par comparai son, auroient pû trouver notre Ouvrage incomplet en le compa rant au sien. Quand on a le plus, on ne se contente pas du moins. Il suffira que nous ayons soin de ne pas nous étendre autant sur les Cotin que sur les Boileau , sur les Claveret que sur les Corneilles , sur les opstraet que sur les Pascal , &c. &c. &c. Tous les articles ne peuvent pas paroître également bien choisis à tout le monde. Dans les Livres, comme dans la Societé , le mê me homme amuse les uns, & ennuye les autres. Un Guerrier ne vou droit que des Conquérans, un Séminariste que des Théologiens , tIn Bibliographe que des Philologues, un Peintre que des Peintres. Le Lecteur sensé doit alors prendre la place de l’Ecrivain, & devenir , comme lui le Concitoyen de tous les peuples , & l’ami de tous les arts. Il sentira qu’un Dictionnaire consacré à la mémoire des hom mes célébres par des talens, par des erreurs , par des vertus & des forfaits , doit renfermer ceux qui se sont distingués dans tous ces