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CHARLES GUÉRIN.

couru la haute et la basse-ville toute la matinée pour trouver ces diables de cent cinquante louis, afin de ne pas vous causer d’inquiétude ; mais il n’y a pas moyen. Je ne voudrais pourtant pas voir vos propriétés ni les miennes saisies pour si peu de chose. Je suis venu voir, si vous n’auriez point quelque expédient à suggérer.

— Aucun, je vous assure… Arrêtez un peu cependant… tiens… mais non, il ne me reste plus que quarante louis en mains ; et il me faudra le mois prochain payer les hommes qui font mon bois… Il est vrai que c’est le dernier paiement que j’aurai à faire ; et que ce printemps de bonne heure mon moulin à scies sera en état de marcher ; mais d’ici à ce temps comment faire ?

— Voyons ; vous ne trouvez pas quelque moyen ?

— Mon Dieu, non !

— Eh bien ! Il va bien falloir que le Shérif annonce quelqu’un de vos lots de terre ou des miens en vente…

— Mais…

— Il n’y a pas de mais. Pensez-vous que les banques prennent des mais en paiement : il y aura peut-être moyen d’arranger cela avant que la vente n’ait lieu. Je compte bien réaliser la somme et davantage d’ici à ce temps. Aujourd’hui ça serait impossible. On ne trouve pas des cents louis tous les jours, et j’ai mes affaires et mes billets à rencontrer pour mon propre compte. On sent sa peau plus près de soi que sa chemise, qu’en dites-vous ?

— Pensez-vous que l’on saisisse quelqu’une de mes propriétés d’abord ?

— Dame ! ça dépend… ça serait bien plus raisonnable, car au bout du compte, vous êtes le premier endosseur… mais écoutez donc, en supposant que cela arriverait, où en êtes-vous avec vos autres affaires ? Avez-vous des billets à rencontrer ? devez-vous à quelqu’un ? Enfin avez-vous besoin de crédit ?