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CHARLES GUÉRIN.

nous. Hâtons-nous toutefois d’ajouter, que le tout ensemble, les deux petites mains, les beaux cheveux blonds, les joues vermeilles, ainsi que des yeux très-grands et très-vifs, appartenaient à mademoiselle Louise Guérin, dont le nom doit rassurer nos lectrices, qui jetteraient les hauts cris, si, dès le premier chapitre, nous permettions de telles familiarités à toute autre qu’à une sœur.

Inquiète de la conversation animée et prolongée que, d’une fenêtre de la maison, elle avait pu suivre dans toutes ses phases, Louise avait hésité à intervenir dans des confidences dont on semblait vouloir l’exclure. Poussée à la fin par une curiosité bien naturelle, nous ne dirons pas à son sexe, mais à son âge (elle avait l’âge de toutes les romances et de toutes les pastorales, quinze ans ni plus ni moins) la rusée jeune fille s’était approchée sur la pointe du pied, jusqu’auprès de ses frères à demi couchés sur le gazon, puis s’agenouillant doucement derrière eux, elle avait fait cette brusque apparition, qui pouvait passer pour de l’étourderie, mais qui était de la diplomatie toute pure.

— Voyons, mes paresseux, est-ce que vous n’avez pas fini de vous reposer sur l’herbe, fit-elle avec une dissimulation charmante ? Vous ne craignez donc point l’humidité ?

— Nous parlions de choses bien sérieuses, dirent-ils.

— Trop sérieuses pour une petite fille, n’est-ce pas ? Eh bien remettez cela à demain ; n’avez-vous pas le temps d’ici à la ville de vous conter tous vos secrets ? S’il n’y avait que moi par exemple pour les écouter, vos secrets que tout le monde connait…… car, toi, Charles, ta soutane est déjà faite,…… et toi, mon cher Pierre, tu ne sais pas combien j’ai hâte de te voir avec le bel habillement que tu ne manqueras pas de commander chez le tailleur le plus à la mode, dès que tu auras mis le pied à Québec. Sais-tu que tu vas faire un très beau cavalier, avec ta taille élancée et tes beaux cheveux noirs ? Tu me mèneras au