Page:Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
CHARLES GUÉRIN.

il doit y avoir un moyen de revenir sur toutes ces transactions qui ne sont qu’un tas de friponneries. Voyons, toi qui es avocat, ou à-peu-près, tu dois connaître quelque remède.

— Tout est contre moi. J’ai donné la main à tout cela. Mon émancipation, mon négoce, l’intervention de M. Dumont ont couvert ce qu’il y aurait eu d’illégal dans l’affaire. Et puis, un procès !

— Eh bien, un procès ! Mille tonnerres quand on a raison, on gagne, celui qui a tort, perd ; et voilà le procès jugé ! Y a-t-il un juge dans le monde qui donnerait gain de cause à ce vieux misérable de Wagnaër ? Je voudrais bien voir cela par exemple !

— Si je portais une action, ce serait une action très spéciale.

— Alors, prends une action spéciale, comme tu dis.

— Quand il n'y a point de précédent, on a peu de chance. On n’aime guères que les sentiers battus par la routine. Dès qu’il se présente quelque difficulté technique, on s’en saisit avec ardeur : tu ne connais donc pas les tribunaux ?

— Dieu merci, non. Eh ! bien, il faut se jeter sur autre chose.

— Oui, j’y ai pensé. L’opinion publique.. dévoiler, démasquer..

— Ah ça, viens-tu fou ? Que te fera l’opinion, et que fera-t-elle à un homme pareil ? S’il ne tient qu’à faire au bonhomme la réputation qu’il mérite, je m'en charge. Mais après cela ?

— Sans compter que je ferais un grand tort à Clorinde, en détruisant la réputation de son père.

— Le beau malheur ! Penses-tu qu’elle vaille mieux que lui ?

Charles se fâcha, et son ami fut frappé de l’ardeur et de le persistance avec laquelle il protestait de la sincérité de Mlle. Wagnaër.

— Au fait, reprit-il, la question est de savoir si elle t’aime. Si elle t’aime vraiment, tu dois réussir. Voyons, t’aime-t-elle pour tout de bon ?