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CHARLES GUÉRIN.

manquent jamais de verser leur parole corrosive sur les plaies de votre âme, en un mot un véritable descendant de celui pour qui Horace écrivit autrefois la satire Ibam fortè viâ sacrâ.

Celui-ci, bien que Charles marchât d’un pas rapide et tint ses yeux baissés comme quelqu’un qui se parle à lui-même, vint lui frapper amicalement sur l’épaule, et, passant son bras sous le sien, commença un interrogatoire en forme, fesant quelquefois lui-même la demande et la réponse.

— Eh bien ! que pensez-vous de cela ? Franchement qu’en dites-vous ?

— Mais la cérémonie était bien belle ; seulement je l’ai déjà vue plusieurs fois ; elle n’avait point l’attrait de la nouveauté.

— Je ne parle pas de la cérémonie, mais de notre nouvelle novice ?

Charles regarda son interlocuteur sans lui répondre.

— Oui, comment trouvez-vous cette conversion ? Vous avez sans doute été bien surpris, comme tout le monde ? Je sais bien que ce n’est pas agréable de vous parler de cela… mais enfin, entre amis,… vous comprenez. Et puis après tout, vous vous consolerez. Il ne manque pas de jolies filles, dieu merci, par le temps qui court. Il faut prendre le temps comme il vient. Vous connaissez le proverbe, et c’est un bien bon proverbe que celui-là : une de perdue, deux de trouvées. C’est bien contrariant tout de même de voir enfermer une si jolie fille entre les quatre murs d’un couvent. Qui aurait dit que Clorinde Wagnaër, si folle encore cet hiver, ferait une fin aussi tragique ?

— C’est bien étonnant en effet, balbutia Charles, qui craignit devoir l’air ridicule en paraissant ignorer ce que tout le monde savait.

— Tenez, après cela il n’y a plus à connaître son monde. On dit que le bonhomme est furieux. Ce qui doit vous consoler, c’est que le vieux sournois avait d’autres plans sur sa fille. On vous a dit cela, je suppose. Enfin il paraît que ça été