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CHARLES GUÉRIN.

Il trouve aussi dans la cathédrale le plus bel intérieur d’église, et dans toutes les chapelles catholiques et particulièrement dans celle du Séminaire et dans la galerie de peinture de M. Légaré les meilleurs tableaux qu’il y ait en Amérique.

Cette circonstance peut expliquer comment les trois premiers artistes qu’ait produits notre jeune pays se trouvent être Québecquois. M. Légaré, qui a un mérite reconnu comme paysagiste, s’est formé lui-méme et sans maître : c’est un artiste indigène dans toute l’acception du mot. M. Plamondon qui se distingue surtout dans les tableaux d’histoire, après avoir été élève de M. Légaré, s’est perfectionné à Paris où il a étudié plusieurs années sous le célèbre Paulin Guérin ; enfin M. Hamel, excellent peintre de portraits, a été mûrir à Rome des études commencées ici sous M. Plamondon et tempérer par les grâces du pinceau italien, la rigidité de l’école française de l’empire et de la restauration.[1]

À venir jusqu’à ces dernières années, le goût des sciences, des arts et des lettres s’était plutôt manifesté à Québec qu’à Montréal, mais de très grands efforts ont été faits depuis peu dans cette dernière ville, qui atteint, si elle ne surpasse pas maintenant sous ce rapport, l’ancienne capitale.

Montréal a sa Société d’Histoire Naturelle, une société d’Horticulture qui fait merveilles, l’Institut Canadien, l’Institut National, et plusieurs autres sociétés du même genre. Québec possède sa Société Littéraire et Historique connue à l’étranger par ses transactions et ses mémoires, l’Institut Canadien, une Société d’Horticulture, une Société Philarmonique qui a fait d’assez brillants débuts, et plusieurs salles de lecture. La ville de Champlain est assez bien fournie de bibliothèques. Celle de l’assemblée législative compte actuellement environ 20,000 volumes dont un grand nombre sont dus à la munificence du gouvernement français,[2] celle du Séminaire 13,000, la bibliothèque dite de Québec, environ 6 à 7000, celle de la Société Littéraire et Historique 3,000 dont quelques uns très rares et précieux, celle de l’Institut des Artisans environ le même nombre, et celle de l’Institut Canadien, de fondation toute récente, environ 2,000.

Les singuliers contrastes que présente Québec aux yeux du voyageur dans son ensemble et dans ses détails ont été bien saisis par M. Marmier et personne ne contestera la vérité du passage suivant de ses Lettres sur l’Amérique.

« Peu de villes offrent à l’observateur autant de contrastes étranges que Québec, ville de guerre et de commerce perchée sur un roc comme un nid d’aigle, et sillonnant l’Océan avec ses navires, ville du continent américain, peuplée par une colonie française, régie par le gouvernement anglais, gardée par des régimens d’Écosse, ville du moyen âge par quelques unes de nos anciennes institutions, et soumise aux modernes combinaisons au système représentatif, ville d’Europe par sa civilisation, ses habitudes de luxe et touchant aux derniers restes des populations sauvages et aux montagnes désertes, ville située à-peu-près à la même latitude que Paris et réunissant le climat ardent des contrées méridionales aux rigueurs d’un hiver hyperboréen, ville catholique et protestante, où l’œuvre de nos missions se perpétue à côté des fondations des sociétés bibliques, où les jésuites bannis de notre pays trouvent un refuge assuré sous l’égide du puritanisme britannique. »


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Il y a peu de pays où les tombeaux et les cimetières soient plus négligés qu’ici. Dans beaucoup de paroisses et particulièrement dans les villes, ce n’est même que pour quelques années que le cercueil prend possession des quelques pieds de terre que l’on croit avoir achetés pour toujours. Il arrive assez souvent que l’on trans-

  1. M. Falardeau qui étudie actuellement en Italie et qui y a obtenu des prix et une décoration, est aussi natif des environs de Québec.
  2. M. A. De Puibusque, auteur de l’Histoire comparée des littératures espagnole et française, qui a passé plusieurs années à Québec et à Montréal, a contribué à obtenir du gouvernement français ces magnifiques présens dont nous devons être d’autant plus reconnaissans, que c’est le second cadeau de cette importance que nous fait notre ancienne mère-patrie. Le premier envoi avait été reçu peu de jours avant l’incendie du parlement et fesait partie de la bibliothèque détruite.