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CHARLES GUÉRIN.

IV.

TROIS HOMMES D’ÉTAT.



E NVIRON quatre mois après les scènes que nous avons décrites dans les chapitres précédens ; par une froide soirée de janvier, dans une mansarde d’une assez pauvre maison du faubourg St. Jean à Québec, un jeune homme était assis près d’une table, où il paraissait lire, et méditer profondément sur sa lecture. Il y avait sur cette table deux livres ouverts l’un dans l’autre. Le plus grand et le plus gros, celui de dessous, c’était les Loix Civiles de Domat ; le plus petit, celui de dessus, c’était Les Martyrs de Châteaubriand. Il était évident que le jeune homme avait d’abord voulu étudier sérieusement, mais qu’ensuite il avait contraint l’in-folio de Domat à donner l’hospitalité au petit volume des Martyrs, de manière que la poésie avait eu littéralement le dessus sur la jurisprudence.

L’ameublement de la petite chambre de l’étudiant (car à ce trait qui ne reconnaîtrait un étudiant en droit de première année ?) était pauvre et bizarre à la fois. Un grand sabre avec un habit rouge militaire, et un shako étaient suspendus à un clou à la cloison. Deux grands dessins à la craie, richement encadrés, souvenirs de collége, étaient disposés de chaque côté de cette espèce de trophée. Des quatre pans de cette chambre deux étaient formés par un mur blanchi à la chaux, et les deux autres par une simple cloison de planches de