Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/13

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Saint-Phar. — Non, j’ai de la méfiance.

Le tentateur. — Sans te parler de moi-même qui ai répondu de toi à douze amis qui me sont venus exprès de la campagne. Si tu crois que je te mens, envoie demander ; leurs carrioles sont encore dans ma cour.

Saint-Phar. — Non, j’ai de la méfiance.

Le tentateur, avec prière. — Sois gentil pour moi, un ancien camarade de pension. Nous n’avons pas suivi la même carrière… Toi, te voilà arrivé !… Ne fais pas le parvenu avec moi… Je suis un pauvre fonctionnaire avec femme et enfants. Mon chef de division est là qui attend chez moi ; j’ai besoin d’avancement ; fais cela pour moi, je te prie, mon petit Pha-Phar. (D’un ton de reproche.) Je suis ton juré, tu es mon premier guillotiné ; étrenne-moi de bonne grâce, que diable ! (Avec conviction.) Comme juré, je t’ai condamné à mort. J’ai fait mon devoir. Maintenant, à toi de faire le tien… Chacun a sa mission dans la société.

Saint-Phar. — Non, j’ai de la méfiance.

Le tentateur. — Un bon conseil en passant. Tu ne veux pas aujourd’hui… soit !… mais on fera venir l’exécuteur d’à côté, et ce sera pour demain… Réponds : est-il dans l’usage de vous guillotiner le lendemain de l’exécution ? Non, c’est un ordre, un ordre établi… Donc, tu inquiètes l’ordre, tu t’insurges contre l’ordre établi… Alors, sais-tu ce qu’on pensera de toi ? On dira : « Allons, bien, encore un promoteur de troubles ! » Tu vois que tu te compromets à plaisir !

Saint-Phar. — Je ris du « qu’en dira-t-on » !

Le tentateur, après un instant de réflexion. —