Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/63

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riches propriétaires de La Villette. Malheureusement, avec toute son immense fortune, il est moralement resté ce qu’il était à son point de départ, c’est-à-dire un ours mal léché, sans éducation ni savoir-vivre, et jonglant d’une déplorable façon avec la langue française.

Les écus ne lui ont fourni qu’un phénoménal aplomb.

Il est resté veuf avec un fils auquel il a fait donner une brillante éducation.

Beau, bien fait, spirituel, gentleman parfait, Adolphe Michu s’est glissé, au noble faubourg, dans les salons de la duchesse de X, dont il aime la fille. Grâce aux millions du père, on a accepté la proposition de mariage du jeune homme qui, sachant que son papa, introduit chez la duchesse, y produirait l’effet d’un rhinocéros dans un bouquet de roses, s’est étudié à toujours l’écarter.

Annonçant que son père est en voyage, il espérait n’avoir à le montrer qu’à la signature du contrat, mais la duchesse lui a dit ce matin :

— Monsieur Adolphe, le mariage est annoncé pour la fin de la semaine, votre père doit être revenu enfin de son voyage ?

— Il est arrivé ce matin même.

— Alors priez-le donc de venir prendre le thé avec nous, rien qu’en famille, et nous pourrons ainsi faire plus ample connaissance.

— Je lui ferai savoir votre désir.

— Donc, à ce soir.

Ainsi acculé, le jeune homme se décide enfin à lâcher son père ; mais, après lui avoir fait part de l’invitation, il s’efforce de lui faire la leçon :