Page:Chefs-d'œuvres des pères de l'église, tome XV, 1838.djvu/437

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il voudrait vous trouver, et il ignore où vous êtes ; il voudrait vous chercher, et il ne connaît point les traits de votre visage. Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu, et je ne vous ai jamais vu ; vous m’avez créé deux fois, vous m’avez comblé de vos bienfaits, et je ne vous connais pas encore. J’ai été créé pour vous voir, pour vous contempler, et je n’ai pu encore atteindre le but de mon existence.

Jour funeste où l’homme fut déshérité de son destin sublime ! Qui pourrait assez déplorer sa faute et son malheur ? Hélas ! qu’a-t-il perdu et qu’a-t-il trouvé ? qu’a-t-il laissé échapper et que lui est-il resté ? Il a perdu la béatitude qui était le but de son existence, et il a trouvé la misère, pour laquelle il n’avait point été fait ; il a laissé échapper un trésor sans lequel il n’y a point de bonheur, et il ne lui est rien resté que la souffrance et la douleur. L’homme, avant sa faute, se nourrissait du pain des anges qu’il ne connaît plus aujourd’hui ; et maintenant il se nourrit du pain des douleurs, qu’il ne connaissait pas encore alors. Que tous les hommes gémissent, que tous les fils d’Adam versent des larmes et fassent entendre une plainte éternelle. Hélas ! notre premier père se rassasiait d’une nourriture céleste, et nous mourons de faim ; il était riche, et la pauvreté nous accable ; il était heureux, il a méprisé son bonheur, et nous sommes condamnés à tous les maux, et nous soupirons en vain après une félicité qui ne saurait revenir. Hélas ! pourquoi n’a-t-il pas gardé les biens dont il jouissait et dont il pouvait jouir toujours ? pourquoi n’a-t-il pas laissé ce précieux héritage à ses descendans ? pourquoi nous a-t-il ainsi ravi la lumière pour nous plonger dans les ténèbres ? pourquoi nous a-t-il ôté la vie ? pourquoi nous a-t-il donné la mort ? Infortunés ! de quel séjour de délices nous avons été chassés ! dans quel séjour de misères nous habitons ! de quelle hauteur sublime nous avons été précipités ! dans quel abîme profond nous sommes descendus ! Nous avions une patrie, et nous voilà exilés ; nous pouvions contempler Dieu, et nous voilà frappés d’aveuglement ; nous pouvions jouir de l’immortalité et de la béatitude céleste, et nous voilà condamnés ici-bas au malheur et à la mort. Quelle révolution terrible s’est opérée dans nos destinées ! quelle chute immense nous avons faite du comble de la félicité au fond de la misère ! Que tous les hommes gémissent, que tous les fils d’Adam exhalent une plainte éternelle.

Mais hélas ! malheureux que je suis, compagnon d’infortune de tous les enfants d’Ève, pauvre exilé, banni comme mes frères de la