Page:Chefs-d'œuvres des pères de l'église, tome XV, 1838.djvu/455

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justice, parce que vous faites ce qui convient à votre bonté. Vous êtes juste alors par rapport à vous-même, et non par rapport à nous, ainsi que vous êtes miséricordieux par rapport à nous, et non par rapport à vous-même. En nous sauvant, lorsque vous auriez le droit de nous perdre à jamais, vous êtes miséricordieux, Seigneur, non pas que vous éprouviez cette sympathie douloureuse qu’on nomme pitié, mais parce que nous sentons les effets de votre miséricorde. Vous êtes juste aussi, Seigneur, non pas que vous nous traitiez suivant nos mérites, mais parce que vous faites ce qui convient à votre souveraine bonté. C’est ainsi, ô mon Dieu que vous pouvez, sans qu’il y ait de la contradiction en vous, punir avec équité et pardonner avec justice.

Chap. XI.

Mais n’est-il pas juste aussi, par rapport à vous-même, que vous punissiez les méchants ? Oui, seigneur, car votre justice doit être telle qu’il soit impossible à la pensée humaine d’y rien ajouter. Or il manquerait quelque chose à votre équité si, se bornant à récompenser la vertu, elle ne punissait pas aussi le crime. Celui qui sait récompenser et punir est plus juste que celui qui ne sait que récompenser. Dieu de justice et de bonté, vous êtes donc également juste par rapport à vous-même, et quand vous punissez les méchants et quand vous leur faites grâce.

Il est donc vrai de dire que « le Seigneur marche toujours dans la voie de la miséricorde, » et que cependant « il n’abandonne jamais la voie de la justice. » Il n’y a point en cela de contradiction : car il ne serait pas juste, ô mon Dieu, que ceux que vous voulez punir fussent sauvés ; il ne serait pas juste que ceux à qui vous voulez faire grâce fussent condamnés. Il n’y a de juste que ce qui est conforme à votre volonté ; il n’y a d’injuste que ce qui est contraire à cette volonté sainte. Voilà donc comment votre miséricorde naît de votre justice : votre clémence est un effet de votre équité, parce qu’il est juste que votre bonté se manifeste non seulement en récompensant l’homme de bien, mais aussi en faisant grâce au coupable. Ainsi s’explique encore une fois comment l’être souverainement juste peut montrer de la bienveillance aux méchants.

Mais, ô mon Dieu ! Si la raison humaine est assez hardie pour chercher à expliquer votre bienveillance à l’égard des méchants, il est un autre mystère plus profond qu’il lui est impossible de sonder : c’est qu’ayant à juger des coupables qui le sont au même degré, vous faites grâce aux uns plutôt qu’aux autres, en consultant votre souveraine bonté, et vous condamnez ceux-ci plutôt que ceux-là, en consultant