espirer.
Et vous voulez qu'elle aime ? Elle, avoir une intrigue ! [85]
Y songez-vous, monsieur ? Fi donc ! Cela fatigue.
Voyez, depuis un mois que le coeur vous en dit,
Si votre amour vous laisse un moment de répit.
Et c'est, ma foi, bien pis chez nous que chez les hommes.
Enfin, depuis un mois, sachons où nous en sommes. [90]
Elle aime éperdument ces vers passionnés,
Que votre ami compose, et que vous nous donnez ;
Et je guette l'instant d'oser dire à la belle,
Que ces vers sont de vous, et qu'ils sont faits pour elle.
Qu'ils sont de moi ! Mais c'est mentir effrontément. [95]
Eh bien ! Je mentirai : mais j'aurai l'agrément
D'intéresser pour vous l'indifférence même.
Lucile en est encore à savoir que je l'aime !
Que ne profitions-nous de la commodité
De ces vers amoureux dont son goût est flatté ? [100]
Un trait pouvait m'y faire aisément reconnaître,
Et, mieux que tu ne crois, m'eût réussi peut-être.
Eh non ! Vous dis-je, non ! Vous auriez tout gâté.
L'indifférence incline à la sévérité.
Il fallait bien d'abord préparer toutes choses, [105]
De l'empire amoureux lui déplier les roses,
L'induire à se vouloir baisser pour en cueillir.
D'aise, en lisant vos vers, je la vois tressaillir ;
Surtout quand un amour qui n'est plus guère en vogue
Y brille sous le titre ou d'idylle ou d'églogue. [110]
Elle n'a plus l'esprit maintenant occupé
Que es bords du Lignon, des vallons de Tempé,
De bergers figurant quelques danses légères,
Ou, tout le jour assis aux pieds de leurs bergères,
Et, couronnés de fleurs, au son du chalumeau, [115]
Le soir, à pas comptés, regagnant le hameau.
La voyant s'émouvoir à ces fades esquisses,
Et de ces visions savourer les délices,
J'ai cru devoir mener tout doucement son coeur,