Je ne me connais plus, aux transports qui m'agitent.
En tous lieux, sans dessein, mes pas se précipitent. [1890]
Le noir pressentiment, le repentir, l'effroi,
Les présages fâcheux volent autour de moi.
Je ne suis plus le même, enfin, depuis deux heures.
Ma pièce, auparavant, me semblait des meilleures :
Maintenant je n'y vois que d'horribles défauts, [1895]
Du faible, du clinquant, de l'obscur et du faux.
De là, plus d'une image annonçant l'infamie :
La critique éveillée, une loge endormie,
Le reste, de fatigue et d'ennui harassé,
Le souffleur étourdi, l'acteur embarrassé, [1900]
Le théâtre distrait, le parterre en balance,
Tantôt bruyant, tantôt dans un profond silence ;
Mille autres visions, qui toutes, dans mon coeur,
Font naître également le trouble et la terreur.
Regardant à sa montre.
Voici l'heure fatale, où l'arrêt se prononce ! [1905]
Je sèche. Je me meurs. Quel métier ! J'y renonce.
Quelque flatteur que soit l'honneur que je poursuis,
Est-ce un équivalent à l'angoisse où je suis ?
Il n'est force, courage, ardeur qui n'y succombe.
Car, enfin, c'en est fait ; je péris, si je tombe. [1910]
Où me cacher ? Où fuir ? Et par où désarmer
L'honnête oncle qui vient pour me faire enfermer ?
Quelle égide opposer aux traits de la satire ?
Comment paraître aux yeux de celle à qui j'aspire ?
De quel front, à quel titre, oserais-je m'offrir, [1915]
Moi, misérable auteur qu'on viendrait de flétrir ?
Après quelques moments de silence et d'agitation.
Mais mon incertitude est mon plus grand supplice.