Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/52

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Il eût baisé la main qui la rendait si sûre.
Faut-il qu’il ait porté cent fois le coup mortel
Sans en recevoir un qui justement envoie,
Il peut à peine oser le demander, au ciel,
Son âme indigne, hélas ! d’une pareille joie !
Vivre, lui qui lutta, qui frappa pour mourir.
Conrad, lui plus que tous, sait ce qu’une âme humaine
Sent dans un tel revers, il a dû le sentir
Lorsque de ses forfaits le vainqueur, dans sa haine,
Annonçant la torture et son raffinement,
Menaçait de lui faire enfin payer la dette.
C’est ce qu’un esprit noir sentait profondément.
Mais ce mauvais orgueil, qui veut qu’il les commette,
Servait à les cacher. Altier, haut dans le cœur,
Son air dur, concentré, son farouche silence,
Dans l’excès de ses maux, sa cuisante souffrance,
Accusent un captif, bien moins qu’un fier vainqueur.
Plus que le spectateur, son œil calme et paisible
Déguise les tourments de cette âme inflexible.
En dépit des clameurs du soldat fanfaron,
Qui rassuré de loin, insolemment aboie,
Les plus braves guerriers, frappés du noble front
De celui qu’ils ont vu cramponné sur sa proie,
Honorent l’ennemi qui les a fait trembler.
On le traîne au cachot et la garde farouche
Ose à peine, de peur, même le contempler,
Une terreur secrète à tous ferme la bouche.