Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/61

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Il est pourtant un être, une femme chérie,
Dont le cœur est au mien uni de si doux nœuds,
Que de ses yeux les pleurs viennent mouiller mes yeux.
Mon unique ressource ici dans ma carrière,
Fut mon glaive, ma barque et mon amour, mon Dieu ;
Je laissai ce dernier jeune encor ; en arrière
Il me laisse à son tour dans ce sinistre lieu
Où l’homme me tourmente exerçant sa justice.
Je ne le prierai point aux abords du supplice.
À son trône ces vœux ne feraient qu’insulter :
D’un lâche désespoir le vœu n’y peut monter.
C’est assez ; je respire, et c’est tout ; mon épée,
D’une impuissante main faible m’est échappée ;
Cette main l’aurait dû garder un autre jour.
Ma barque est abîmée ou prise. Mon amour…
Ah ! jusqu’au ciel ma voix s’élèverait pour elle !
À la terre elle est tout ce qui peut m’attacher ;
Et ceci doit briser un cœur aussi fidèle
D’un coup aussi poignant, flétrir et dessécher
Une forme qu’avant la tienne, ô toi, Gulnare,
Mes yeux charmés avaient pu croire la plus rare. » —
« Une autre a ton amour ? Une autre ?… Ah ! que j’envie
Ces cœurs auxquels un cœur se dévoue et se fie ;
Étranger à ces vains et vagabonds désirs,
À ces illusions se perdant en soupirs,
Comme tous les soupirs qui consument mon âme. » —
« Ton amour n’est-il pas, je le croyais, ô femme,