Aller au contenu

Page:Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 18 —

Le méritant parmi les hommes, aux yeux des femmes, est celui qui sera empressé auprès d’elles. Il faut que, recherché dans sa tenue, il se distingue par sa beauté de ceux qui l’entourent, qu’il ait la taille gracieuse et la tournure séduisante ; que, véridique auprès des femmes, il soit toujours sincère dans ses paroles ; qu’il soit généreux, brave ; qu’il ne tire point vanité de lui-même et que son commerce soit agréable. Il doit être esclave de sa parole ; s’il fait une promesse, il doit n’y point manquer ; il doit dire toujours la vérité et ne point faillir à ce qu’il a annoncé.

Celui qui tire vanité de ses relations avec les femmes, de leur connaissance et de leur amitié, celui-là est un homme méprisable. Il sera question de lui dans le Chapitre suivant.

On raconte qu’il y avait autrefois un roi nommé Mamoun[1], qui avait un bouffon que l’on appelait Bahloul[2], lequel servait d’amusement aux princes et aux Vizirs.

Un certain jour, ce bouffon se présenta chez Mamoun, qui était occupé à se divertir. Le roi lui ordonna de s’asseoir, et après qu’il se fut assis devant lui, il lui dit en détournant la tête : « Pourquoi es-tu venu, ô fils de la débauchée ? » Bahloul lui répondit : « Je suis venu pour savoir ce qui est arrivé à notre Seigneur, que Dieu le rende victorieux ! »

« Et que t’est-il arrivé, à toi, reprit le roi,

  1. (29) Il est question ici d’Abdallah ben Mamoun, un des fils d’Haroun er Rachid. Après avoir fait longtemps la guerre à son frère el Amine, afin de lui disputer l’empire, ce dernier ayant été vaincu et tué dans une bataille près de Bagdad, el Mamoun fut unanimement proclamé calife, l’an 178 de l’hégire. C’était un des princes Abbassides les plus distingués sous le rapport de la science, de la sagesse et de la clémence.
  2. (30) Le mot Bahloul, qui vient du Persan, signifie rieur, moqueur, santon, espèce de fou de l’Orient.