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Page:Cheikh Nefzaoui - Le parfum des prairies (le Jardin parfumé), 1935.djvu/81

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LE JARDIN PARFUMÉ

Dès qu’elle fut plongée dans le sommeil le prince se leva, prit ses vêtements et ses armes, cacha sa tête dans le capuchon d’un burnous de soie rouge appartenant à une des deux femmes, et, ainsi déguisé, il sortit lentement de la chambre pour rejoindre la porte d’où il avait vu la première scène d’orgie. Il regarda encore à travers le rideau et aperçut les nègres et les femmes qui continuaient à boire le vin, qui coulait à flots sur les nappes et sur les tapis de la salle.

Les uns étaient couchés sur les dalles, les autres se tenaient debout en chancelant ; le désordre le plus effroyable régnait partout. Direm poussa un soupir de plainte sur lui-même ; ces gens si méprisables lui causaient un invincible dégoût. Ceux-là, se disait-il, ne feraient pas meilleur cas du Sultan que du dernier de ses serviteurs. Puis, regardant son bras, il s’écria : Montre aujourd’hui ta force !

En disant cela il entra résolument dans la salle du festin, s’empara des bouteilles dans lesquelles il restait encore de la liqueur, et répandit ce qu’elles contenaient sur la figure et les vêtements brodés de ceux qui étaient là. Les femmes étaient furieuses, croyant qu’une de leurs com-