Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/155

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M. Bloomfield me répondit :

« Je n’ai pas eu l’avantage de connaître personnellement John Wilkes Booth, et, pour ne désobliger personne, je m’abstiendrai de juger son action. Au surplus, je suis prêt à convenir qu’en tuant Lincoln cet honorable gentleman a fait quelque chose de parfaitement inutile, et il ne faut jamais rien faire de parfaitement inutile. Cet honorable gentleman se flattait que la mort du tyran mettrait fin à la tyrannie ; il s’est trompé, et il a payé son erreur de sa tête ; mais vous avouerez que sa folie n’était pas d’une espèce commune, qu’il n’est pas donné à tout le monde de se tromper comme Brutus. Ce qui est hors de doute, monsieur, c’est que Booth était une âme forte, conduite ou, si vous l’aimez mieux, égarée par une noble passion. Booth était un héros, Booth était un patriote. Il adorait son pays, il avait décidé que la cause des États du Sud était une cause juste et sainte, et que, si elle venait à succomber, il serait son vengeur. Il avait toujours professé une ardente admiration pour une femme qu’un de vos poètes n’a pas craint d’appeler l’ange de l’assassinat, et il s’était juré à lui-même qu’il serait la Charlotte Corday des États-Unis ; il a tenu sa parole. Encore un coup, je ne veux pas juger son action, je tiens à ne chagriner