Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/166

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d’habitude. Je la mets au régime le plus sévère, elle le suit exactement, mais rien n’y fait. Je lui dis quelquefois :

« Ma chère enfant, tâchez donc de vous procurer quelque ennemi ou quelque ennemie, que vous détesterez de tout votre cœur, ou quelque gros souci, ou l’une de ces passions vives qui rongent et font maigrir. »

Ces moyens ne sont pas à sa portée ; cette bonne fille aura beau faire, elle mourra sans avoir connu les soucis, les ennemis et les passions vives. Aussi ne maigrit-elle point, et avant dix ans elle sera ronde comme une caille. Ce sera grand dommage ; elle est si jolie !

Quand je poussai la porte de mon cabinet, Mlle Rose Perdrix, qui, les jambes repliées sous elle, la tête renversée, bayait aux mouches ou contemplait les moulures du plafond, sortit brusquement de sa rêverie. Elle se dressa sur ses pieds, et courant à moi :

« Enfin ! s’écria-t-elle. Pourquoi rentrez-vous si tard ? »

Je la regardai avec étonnement ; elle n’avait pas son visage de tous les jours. Je ne lui avais jamais vu le teint si animé, l’œil si luisant. Je lui donnai une tape sur les deux joues, et je constatai que