Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/185

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« — Grand nigaud, il y a place pour deux.

« Je n’avais pas fini ma phrase qu’il était installé à côté de moi, et nous voilà partis. Nous roulions depuis cinq minutes sans qu’il eût trouvé un mot à me dire. Accoté dans son coin, il me regardait de travers, tortillant sa moustache entre ses doigts ; il avait grand’peur de me fâcher et la mine d’un chien qui a reçu le fouet et qui s’en souvient. Pour me donner une contenance, je caressais mon perroquet. Frappé d’un trait de lumière, le bel Edwards s’écrie :

« — Si ce n’est le diable, c’est cet oiseau qui m’a mis en fuite l’autre soir.

« — Ce n’est pas lui, répondis-je, c’est un autre, et il en est mort.

« La glace était rompue, la conversation s’engagea. Il me dit :

« — Vous m’en voulez toujours ?

« — Beaucoup, lui répliquai-je, et vous avouerez qu’il y a de quoi. A qui donc pensiez-vous avoir affaire ? Me prenez-vous pour une sotte, à qui l’on fait accroire tout ce qu’on veut, et qui s’imagine qu’en se laissant aimer elle sauvera la vie à deux hommes ?

« Il se redressa comme en sursaut, il devint très pâle, marmotta je ne sais quoi, commença deux