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Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/192

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jusqu’au matin. Où nous allions, où nous étions, je n’en avais pas la moindre idée. Je me souviens seulement qu’il y avait des endroits qui sentaient la violette ; je me souviens aussi que par instants j’avais peur ; je croyais apercevoir au clair de la lune des fantômes blancs qui me regardaient. Edwards riait à gorge déployée de mes épouvantes, il m’expliquait que les bouleaux sont des bouleaux ; vrai, il avait raison. Au petit jour, je m’endormis ; à mon réveil, je me reconnus : nous étions à Villebon, et nous jouâmes au palet, en attendant le déjeuner. Le couvert fut mis dans un pavillon, où je n’ai jamais voulu retourner depuis ; je lui garde rancune, quoiqu’il soit joli. Je pris cinq minutes pour arranger mes cheveux, qui étaient fort dérangés.

« Quand je rejoignis Edwards, il venait de déplier un grand journal anglais, qu’il avait apporté dans sa poche. Il y passe les yeux, il pâlit, il s’écrie en serrant les poings :

« — Oh ! les misérables ! Je les reconnais bien là !

« — Qu’ont-ils fait ? lui demandai-je.

« Il me répondit par un haussement d’épaules, se remit à lire, et de nouveau il serra les poings.

« — Oh ! bien, lui dis-je, tu m’ennuies, et nous sommes ici pour nous amuser. De quoi s’agit-il ? A qui en as-tu ? Laisse-moi ces gens tranquilles,