Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/24

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de suite, cette persévérance, que demandent les grandes entreprises ; les impatients, qui procèdent par à-coup, me font douter de leur avenir. Aux premiers mots que je lui dis, maître Papin se rengorgea, fit le gros dos, ce gros dos qui est particulier aux avocats, le dos d’un homme qui porte l’univers sur ses robustes épaules et qui s’arc-boute pour ne pas le laisser tomber. Du même ton qu’il apostrophe le ministère public : — Monsieur le marquis, s’écria-t-il, cette femme est tout simplement un prodige de vertu chrétienne. Elle apprit il y a dix-huit mois que son mari était gravement attaqué de la poitrine. Qu’a-t-elle fait ? Oubliant ses griefs, ses légitimes ressentiments, elle a couru le retrouver à Périgueux, elle s’est réconciliée avec lui. On a conseillé à M. Corneuil de partir pour l’Égypte ; elle a tout quitté pour l’accompagner et pour se faire la garde-malade d’un brutal dont les violences avaient mis ses jours en danger. Oui ou non, avais-je raison d’affirmer à la cour que Mme Corneuil est un ange ? — Tudieu ! lui dis-je, ne vous échauffez pas. J’admire autant que vous ce beau trait ; mais, mon cher maître, ne pourrait-il pas se faire qu’après avoir obtenu, grâce à vous, la moitié de la fortune, cet ange se proposât d’avoir le reste par voie d’héritage ?