Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


« Te voilà tout émue ; gageons que tu as eu peur. Tête de femme ou de linotte, que pouvait-il donc t’arriver ? Tu crois aux loups ? »

Elle aurait pu lui répondre qu’elle venait d’en rencontrer un et qu’il en est d’aimables. Elle se contenta de lui arranger sa cravate, qui s’était dénouée. Cela fait, elle lui dit :

« Te voilà superbe ! »

Puis elle lui tendit sa blanche main, pour qu’il la baisât. Il s’acquitta de cette formalité en rechignant et avec la grâce d’un ours qu’il était.

« Dépêchons-nous, fit-il d’un ton d’humeur, et ne t’avise plus de tomber. La route est ici près, mais il faut une heure encore pour arriver au gîte, et je meurs de faim. »

Elle fit un effort suprême pour se remettre vaillamment en chemin. L’entorse qu’elle s’était faite dans sa chute, et qu’elle avait oubliée en causant avec un jeune inconnu, se rappelait douloureusement à son souvenir. A la vérité, cette entorse était fort légère, mais elle n’avait plus le pied sûr : elle butait à chaque instant. Quand elle atteignit l’extrémité de la traverse, à peine eut-elle fait dix pas sur le chemin de Fleury, elle se sentit au bout de ses forces et fut prise d’une défaillance qui lui attira une algarade.