Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’élite, qui l’honorait de son amitié et dont la conversation était aussi instructive que ses manières étaient séduisantes. Ce qui surtout le remplissait d’aise, c’est que sa petite excursion ne lui avait rien coûté, attendu que le prince de Malaserra avait tout payé, la voiture, le déjeuner, les pourboires, tout, sauf la brioche rance dont les carpes s’étaient régalées.

Une autre satisfaction l’attendait à son arrivée. Mme Drommel avait eu raison du petit Lestoc, non sans peine. Elle se trouvait en possession d’une aquarelle, qui avait été peinte dans l’après-midi avec une furie toute française et offerte à titre de souvenir, de don purement gratuit ou peu s’en fallait. Cette charmante aquarelle représentait un bout de grand chemin. D’un côté se dressait un énorme chêne qui n’avait pas une feuille ; il était mort ou quasi mort ; à main gauche, un sentier courait dans un bois de pins. A l’un des coudes du sentier, on voyait de dos un joli couple d’amoureux, qui apparemment s’étaient pris de querelle. Un jeune homme, agenouillé dans la poussière, élevait au ciel des bras suppliants ; il implorait son pardon ou mendiait une grâce. Vêtue d’une robe jaune paille, la jeune femme, penchant vers lui sa tête blonde, le menaçait d’une baguette de coudrier