Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/314

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qu’on a appelé le Rageur, et, comme chacun sait, le Rageur est un gros chêne qui, à vrai dire, n’est plus ; il a rendu les armes, il est fini. Adieu les bourgeons et les glands ! il ne lui reste qu’un tronc crevassé, des branches sans rameaux, couvertes de balafres et de cicatrices ; qui pourrait compter ses blessures ? En vain les derniers printemps lui ont chanté leurs plus douces chansons, ils n’ont pu le réveiller, rien n’a remué dans son vieux cœur et dans sa sève tarie. Il n’a plus de feuilles, et les oiseaux l’évitent. Longtemps il a bataillé contre les vents, contre les noirs hivers, contre les destins ; il s’est endormi à jamais dans sa lassitude, et il porte sur son front ravagé l’étonnement de sa fin. Mais ce vaincu est mort debout, il est encore solide sur ses pieds, sa suprême défaite ressemble à une victoire.

— J’ai vu mieux que cela dans la Suisse saxonne, répondit M. Drommel. Si gros qu’il paraisse, gageons que j’en fais le tour avec mes bras. »

Il courut s’appliquer les bras étendus contre l’arbre, qui le laissa faire ; mais il reconnut aussitôt le ridicule de sa prétention.

« Je veux savoir de combien il s’en faut, s’écria le prince de Malaserra. Mon ami, je vous prie, restez là comme vous êtes. J’ai une petite méthode