Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/327

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lieu où il se trouvait, le vieux chêne mort, la route, le sentier qui se perdait dans un bois de pins, il avait déjà vu tout cela en peinture. Où donc ? Dans une charmante petite aquarelle. On voyait aussi dans cette aquarelle un amant agenouillé aux pieds de sa maîtresse. M. Drommel se souvint que cette jolie femme était blonde, qu’elle avait une robe jaune paille et un parasol rouge. Il lui revint à la mémoire que la veille au matin, comme il se promenait près d’un kiosque, il avait entendu un jeune homme qui s’écriait : « Convenez que c’est un sot. » Était-il prouvé que le sot fût M. Taconet ? Un peu plus tard, le même jeune homme avait dit : « J’en demandais quatre, je n’en demande plus que trois. » S’agissait-il bien de trois cents francs ? M. Drommel crut même se rappeler qu’en ce moment il avait vu une femme qui s’appelait Ada, qu’elle était émue, qu’elle avait la joue en feu. Un poison brûlant coula dans toutes ses veines, la jalousie le prit à la gorge et la serra plus fortement que l’écharpe du prince de Malaserra ne serrait ses deux mains ; il lui sembla que tout ce qu’il avait souffert dans cette nuit de malheur était peu de chose auprès de ce qu’il ressentait depuis deux minutes. Tous les souvenirs qu’il venait d’évoquer s’étaient rassemblés, combinés,