Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/33

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Mme Corneuil, absorbée dans sa contemplation, fit un faux mouvement, et sa joue frôla celle du jeune homme ; il sentit un frémissement qu’il n’avait jamais éprouvé. Elle sortit la première du tombeau ; en la rejoignant, il fut comme ébloui ; il découvrit tout à coup qu’elle avait un port de reine, des yeux bruns mêlés de fauve, les plus admirables cheveux du monde, qu’elle était belle comme un songe et qu’il l’aimait comme un fou.

Quelques semaines après, M. Corneuil avait rendu son âme à Dieu, en laissant toute sa fortune à sa femme, qui l’avait soigné, il faut le dire, avec une héroïque patience. La veille du jour où elle devait s’embarquer pour emmener à Périgueux un cercueil plombé, Horace lui demanda la faveur d’un instant d’entretien, et le soir, sur la terrasse du New-Hotel, sous le ciel étoilé d’Égypte, dans un air délicieux où flottaient les grandes ombres vagues des Pharaons, il lui fit l’aveu de sa passion et tenta de lui arracher la promesse qu’avant un an elle serait à lui pour la vie. Ce fut alors qu’il put connaître toute la délicatesse de ce cœur d’élite. Elle lui reprocha, les yeux baissés, l’excès de son amour, lui représenta que le mort n’était pas encore enterré, qu’il lui répugnait de marier les roses aux cyprès et les pensées amoureuses aux longs