Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/58

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un homme fort médiocre, d’un mérite très mince, qui a poussé la vanité jusqu’à faire effacer sur les monuments le nom des souverains ses prédécesseurs, pour y substituer la sien, ce qui a fait prendre le change aux esprits légers, à Diodore de Sicile tout particulièrement, et introduit dans l’histoire les plus déplorables erreurs. Votre Sésostris, bon Dieu ! il n’a jamais vécu que sur un exploit de ses jeunes années. Soit adresse, soit bonheur, il était parvenu à sortir d’une embuscade vie et bagues sauves. Voilà la belle prouesse qu’il a fait retracer cent et cent fois sur les parois de tous les édifices construits sous son règne ; ce fut là son éternel Valmy, son sempiternel Jemmapes. Je vous le demande, quelles conquêtes a-t-il faites ? Il opéra des razzias de nègres, parce qu’il avait besoin de maçons ; il fit la chasse à l’homme dans le Soudan, et son seul titre de gloire est d’avoir eu cent soixante-dix enfants, dont soixante-neuf fils.

— Diable ! c’est bien quelque chose que cela… Mais enfin, qu’en veux-tu conclure ?

— J’en conclus, répondit Horace, à qui l’incident avait fait perdre de vue le principal, j’en conclus que Sésostris… Non, reprit-il, j’en conclus que j’adore Mme Corneuil et qu’avant trois mois elle sera ma femme. »