Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Vous ne connaissez pas mon neveu : il a horreur de cette ville perverse et frivole. Il m’a fait hier ses confidences, il entend finir ses jours en Égypte, et il m’a soutenu que Mme Corneuil était aussi amoureuse que lui de la solitude et du silence des Thébaïdes. Il a l’air fort doux, personne n’est plus tenace dans ses volontés.

— A la garde de Dieu ! fit Mme Véretz, en regardant le marquis d’un air qui voulait dire : — Mon bel ami, il n’y a pas de volonté qui tienne contre la nôtre, et Paris ne peut pas plus se passer de nous que nous de Paris.

— Ils ont choisi la bonne part, poursuivit M. de Miraval en poussant un profond soupir. Je me suis souvent moqué de mon petit-neveu, à qui je reprochais de ne pas savoir jouir de la vie ; c’est à son tour de se moquer de moi, puisque j’en suis réduit à envier son bonheur. Cueillir des roses, c’est charmant, et j’en ai beaucoup cueilli : mais il arrive un âge où l’on regrette amèrement de n’avoir pas su se créer un intérieur… Vous devez être étonnée de mes confidences, chère madame.

— J’en suis flattée beaucoup plus qu’étonnée, répondit-elle.

— L’ennui me ronge, je dois en convenir. J’avais juré de passer le reste de mes jours dans la