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LE COMTE KOSTIA

que le comte Kostia. Aussi, après un séjour de trois ans sous le ciel des tropiques, il se prit à soupirer après la vieille Europe, et un beau jour on le vit débarquer sur les quais de Lisbonne. Il traversa le Portugal, Espagne, le midi de la France et la Suisse. À Bâle, il apprit que sur les bords du Rhin, entre Coblentz et Bonn, dans un endroit assez isolé, un vieux château était à vendre. Il se transporta sur les lieux, acheta ces antiques murailles et les terres qui en dépendaient, sans se donner le temps de débattre le prix ni de visiter en détail le domaine. Le marché conclu, il fit faire en hâte quelques réparations urgentes à l’un des corps de logis dont se composait son manoir délabré, qui portait le nom imposant de forteresse de Geierfels , et il ne tarda pas à s’y installer, en se promettant d’y passer le reste de ses Jours dans une retraite paisible et studieuse.

Le comte Kostia tenait de la nature un esprit vif et prompt qu’il avait fortifié par l’étude. Il avait toujours aimé de passion les recherches historiques ; mais de toutes choses il ne savait et ne voulait savoir que ce que les Anglais appellent the matter of fact. Il professait un froid mépris pour les idées générales et les abandonnait de grand cœur aux « songe-creux ; » il se gaussait de toutes les théories abstraites et des esprits naïfs qui les prennent au sérieux ; il tenait que tout système n’est qu’une déraison raisonnée, que les seules folies pardonnables sont celles qui se donnent pour ce qu’elles sont, et que c’est le fait d’un pédant d’habiller ses imaginations en théorèmes de géométrie. En général, la pédanterie était à ses veux le vice le moins excusable, et par là il entendait la prétention de remon-