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LE COMTE KOSTIA

plus de surprise que de sympathie : l’expression en était dure, sèche et chagrine, et sur ce beau visage d’adolescent n’apparaissait aucune des grâces de la jeunesse.

Le jeune cavalier venait droit à lui, et quand il fut à deux pas de la fontaine, il s’écria en allemand, d’une voix impérieuse : « Mon cheval a soif. Mon brave homme, videz-moi la place. »

Gilbert ne se dérangea pas.

« Vous le prenez sur un ton bien haut, mon petit ami, répondit il dans la même langue, qu’il savait fort bien, mais qu’il prononçait à la diable, je veux dire à la française.

— Mon grand ami, combien faites-vous payer vos leçons de savoir-vivre? lui répliqua le jeune homme en contrefaisant sa prononciation. Puis il ajouta en français, avec une pureté d’accent irréprochable : « Allons, exécutez-vous lestement, je n'aime pas à attendre ! » Et il coupa l'air de sa cravache.

« Monsieur Stéphane, dit alors Gilbert, qui n’avait pas oublié l'aventure du petit Wilhelm, votre cravache finira par vous jouer de mauvais tours !

— Qui vous a donné le droit de savoir mon nom ? S'écria-t-il impetueusement en redressant la tête

— Ce nom est déjà célèbre dans le pays, repartit Gilbert, et vous l’avez écrit tantôt en caractères fort lisibles sur la joue d'un petit porcher. »

Stéphane, car c’était Bien fui, rougit de colère et leva sa cravache d’un air menaçant; mais d’un coup de son bâton Gilbert envoya cette cravache rouler au fond d’un fossé, à vingt pas de distance.

Quand il reporta ses regards sur l’enfant, il se re-