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LE COMTE KOSTIA

bien fait, de très-grande taille, les épaules larges, un grand air, un front sévère et hautain, un bec d’oiseau de proie, la tête haute et légèrement ramenée en arrière, de grands yeux gris bien fendus d’où sortaient des regards à la fois perçants et incertains, une figure expressive, d’une coupe régulière, et où Gilbert ne trouva guère à reprendre que des sourcils trop touffus et des pommettes un peu trop saillantes : mais ce qui ne lui plut pas, c’est que M. Leminof resta debout en le priant de s’asseoir, et comme Gilbert faisait quelques façons, le comte y coupa court par un geste impérieux accompagné d’un froncement de sourcils…

« Monsieur le comte, fut dit mentalement Gilbert, Vous ne sortirez pas d’ici sans vous être assis !

— Mon cher monsieur, dit le comte en arpentant la chambre les bras croisés sur la poitrine, vous avez dans le docteur Lerins un ami très-chaud. Il fait un cas infini de votre mérite ; il a même eu l’obligeance de me donner à entendre que j’étais tout à fait indigne de posséder dans ma maison un pareil trésor de sagesse et d’érudition. Aussi m’a-t-il expressément recommandé d’avoir pour vous les plus grands égards ; il m’a fait sentir que je répondais de vous à l’univers et que l’univers me ferait rendre mes comptes. Vous êtes bien heureux, monsieur, d’avoir de si bons amis ; c’est une bénédiction particulière du ciel.

Gilbert ne répondit rien ; il se mordait les lèvres et regardait à ses pieds.

« M. Lerins, reprit le comte, m’apprend encore que vous êtes à la fois timide et fier, et il me supplie de vous ménager beaucoup. Il prétend que vous