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LE COMTE KOSTIA

« Juste en face du château, par delà le Rhin, une bourgade aux maisons proprettes, soigneusement blanchies à la chaux et accompagnées de jardins, se déploie en éventail autour d’une anse arrondie. Sur la droite de ce gros village, une église rustique fait reluire au soleil la flèche de son clocher couvert en zinc ; à gauche, de grands moulins à tan laissent tourner nonchalamment leurs roues, et derrière ces moulins, cette église et cette bourgade, s’étend la fertile campagne que j’essayais de vous peindre tout à l’heure, et que je ne saurais trop vous vanter. Oh !le charmant paysage ! Cette après-midi, j’étais occupé à le dévorer des yeux, quand la chèvre blanche est venue me distraire, suivie à distance par une petite chevrière que je soupçonne d’être fort jolie ; mais je les ai oubliées l’une et l’autre en voyant défiler devant moi, cheminant en sens contraire, un bateau à vapeur qui remorquait lentement une flottille de barques recouvertes de leurs bannes et escortées de leurs allèges, et un vaste train de bois de la forêt Noire monté par cinquante ou soixante bateliers qui, les uns à l’avant, les autres à l’arrière, dirigeaient su course à grands coups d’aviron ; après quoi mes regards, se détachant des eaux blanchâtres du fleuve, se sont promenés tour à tour sur les molles lenteurs du rivage, sur les sinuosités d’un ruisseau cherchant aventure dans une prairie entre deux rideaux de saules et de peupliers, sur les ombres portées des arbres allongées par le soir, et qui dormaient paisiblement au sein des guérets. Ici un pré vert où broutaient trois moutons roux que gardait une pastourelle assise sur une grosse pierre, tandis