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Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/58

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LE COMTE KOSTIA

cierges, des croix et des bannières. Derrière eux venait une longue suite d'enfants qui représentaient le cortège de la Passion. L'un d'eux, jeune garçon de dix ans, remplissait le rôle du Christ ; il avait la tête couronnée d'épines, et, portant sur son épaule une grande croix de bois, il semblait près de succomber sous le faix. A ses côtés se tenaient les deux brigands, dont l'un grimaçait, tandis que l'autre, les yeux baissés, la tête penchée, semblait en proie au plus profond repentir. Ils étaient entourés de gardes armés de lances qui les menaçaient et les insultaient du geste et de la voix; ensuite venait une petite fille dont la robe noire était traversée d'un poignard à l'endroit du cœur. Cette jeune Mère des douleurs était escortée des douze Apôtres. Le cortège était fermé par une longue troupe d'anges, tenant à la main, les uns des branches de buis, les autres des encensoirs qu'ils balançaient gracieuse- ment dans l'air. La procession fit deux fois le tour de la place, puis elle s'arrêta. Les cloches se turent, un orchestre placé sur un échafaud fit entendre une musique douce et pénétrante; et quand le prélude fut achevé, le chœur des anges entonna un cantique à quatre parties qui remua Gilbert jusqu'au fond de l'âme.

Un profond silence régnait dans la foule. Les hommes joignaient les mains, les femmes s'agenouillaient. Les jeunes choristes étaient graves, recueillis; au-dessus de leurs têtes inclinées flottaient les bannières où étaient peintes les figures des saints. Par instants un nuage d'encens passait dans l'air; une faible brise faisait frissonner le feuillage ému des vieux ormeaux, et le ciel, d'un bleu pur et