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Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/61

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LE COMTE KOSTIA

ches et argentines, leurs naïfs accents, qui prêtaient un caractère enfantin aux joies et aux douleurs ineffables de la Passion, tout cela lui causait une vive jouissance mêlée d'émotion. Il les comparait en lui-même à ces anges des tableaux de Rubens qui ne sont ni des Amours, ni des artistes, ni des abstractions vivantes, mais des enfants ailés qui, sans en démêler le sens caché, se plaisent aux choses divines ; ils aiment le Christ, bien qu'ils ne le puissent comprendre; ils semblent se demander pourquoi il n'a pas des ailes comme eux ; ils ne pénètrent pas le secret de son humanité. « Voltigez, leur dit le Christ en souriant, voltigez, oiselets du ciel, car il appartient aux anges de voler ; Dieu et l'homme marchent. »

Au moment où Gilbert était le plus absorbé dans ses réflexions, une voix qui ne lui était pas inconnue murmura à son oreille ces mots qui le firent tressaillir :

« Vous vous intéressez prodigieusement, mon- sieur, à cette ridicule comédie ! »

Cette interpellation fit sur Gilbert l'effet que produit une discordance dans un concert. Aussi conçut-il un mouvement de violente irritation contre son profane interlocuteur. Il retourna vivement la tête et reconnut Stéphane. Ce jeune homme venait de descendre de son cheval, qu'il avait laissé sous la garde de son domestique, et il s'était frayé un passage au travers de la foule, sans s'inquiéter des réclamations de toutes les bonnes gens dont il troublait le dévot recueillement.

Gilbert le considéra un instant d'un air sévère, puis, reportant ses regards sur la procession, il essaya, mais en vain, d'oublier l'existence de ce Sté-