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LE COMTE KOSTIA

— L’autre jour, interrompit Stéphane, j’avais fait une folie. Pour la première fois je métais amusé à tromper la surveillance d’Ivan. C’était un essai que je voulais faire ; mais il m’a mal réussi, et je ne suis pas tenté de recommencer. Voulez-vous voir de vos yeux ce que m’a rapporté ce bel exploit ? »

Retroussant alors la manche droite de sa blouse de velours noir, il montra à Gilbert un poignet mince et délicat marqué d’un cercle rouge qui devait provenir du frottement prolongé d’un anneau de fer. Gilbert ne put retenir une exclamation de surprise et de pitié, et il se repentit de ses plaisanteries.

« J’ai été tenu pendant quinze jours à la chaîne dans des oubliettes d’où je pensais ne jamais sortir, reprit Stéphane, et j’y ai fait plus d’une réflexion. Ah ? vous aviez raison tout à l’heure quand vous m’accusiez de répéter une leçon apprise. Le joli bracelet que je porte au bras droit est mon maître à penser, et si j’osais répéter tous les propos qu’il me tient…»

Puis s’interrompant :

« Je mens ! s’écria-t-il d’une voix sombre en enfonçant sa barrette sur ses yeux. La vérité est que je suis sorti de ce cachot doux comme un agneau, souple comme un gant, et que je serais capable de faire mille bassesses pour m’épargner l’horreur d’y rentrer. Je suis un lâche comme les autres, et quand je vous dis que je méprise tous les hommes, ne croyez pas que je fasse d’exception en ma faveur. »

Et à ces mots, il pinça si violemment de l’éperon