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LE COMTE KOSTIA

battre en retraite, lorsque Stéphane, tirant de sa poche une grande bourse de cuir, se mit à l'agiter dans l'air en s'écriant : « Il y a de l'argent à gagner par ici. Arrivez donc, mes chers enfants. Je vous jure que vous serez contents de moi. »

La grande bourse pleine que Stéphane secouait à deux mains était une amorce bien séduisante pour les huit enfants; mais sa cravache, qu'il tenait serrée sous son bras gauche, était un épouvantail qui leur prêchait la prudence. Partagés entre la crainte et la convoitise, ils demeuraient cloués sur place, comme l'âne de Buridan entre ses deux bottes de foin; mais Stéphane eut l'heureuse inspiration de saisir sa badine de la main droite et de la lancer sur la cime d'un arbre, où elle resta suspendue. Ce geste produisit un effet magique, et les enfants, d'un commun accord, se décidèrent à s'approcher, bien que d'un pas lent et hésitant. Wilhelm seul, écoutant sa rancune ou sa défiance, s'élança dans un sentier et disparut dans le taillis.

La troupe enfantine s'arrêta à dix pas de Stéphane et se forma en groupe. Les plus petits se cachaient à moitié derrière les plus grands. Tous tortillaient entre leurs doigts les bouts flottants de leur ceinture; tous avaient la tête baissée, l'air gauche et honteux, et ne détachaient leurs regards de la poussière du chemin que pour lorgner du coin de l'œil la grande bourse de cuir qui dansait entre les mains de Stéphane.

« Vous, saint Pierre, leur dit-il d'un ton grave, vous, saint Jean, et vous cinq, mes chers angelots du ciel, prêtez-moi une oreille attentive. Vous avez chanté aujourd’hui de très-jolis cantiques en l’hon-