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Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/87

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LE COMTE KOSTIA

Gilbert en portant sa cuiller à ses lèvres. On ne se permet pas de dîner avant qu'elle ait bénit le potage, et cependant on la relègue au bout de la table, comme un lépreux dont on redouterait le contact impur ! »

Pendant la première partie du repas, l'attention de Gilbert se concentra sur le père Alexis. Cette figure de prêtre excitait sa curiosité. A première vue, elle semblait empreinte d'une certaine majesté que relevaient sa robe noire aux larges plis et le crucifix d'or qui pendait sur sa poitrine. Le père Alexis avait le front élevé et découvert ; son grand nez fortement aquilin donnait à sa physionomie quelque chose de mâle ; ses yeux noirs, d'une belle coupe, étaient encadrés par des sourcils bien arqués, et sa longue barbe. grisonnante s'accordait avec ses joues d'un ton bistré sillonnées de rides vénérables. Vu au repos, ce visage avait un caractère de beauté austère et imposante. Et si vous aviez contemplé le père Alexis pendant son sommeil, vous l'auriez pris pour un saint anachorète fraîchement sorti de sa thébaïde, ou mieux encore pour une façon de saint Jean contemplant les yeux fermés, du haut de son rucher de Pathmos, les sublimes visions de l’Apocalypse; mais, aussitôt que le visage du bon pope s'animait, le charme était rompu. Ce n'était plus qu'un masque expressif, mobile, parfois grotesque, où se peignaient les impressions fugitives et sans profondeur d'une âme douce, innocente et débonnaire, mais sans élévation et sans idéal. C'est ainsi que, le moine et l'anachorète venant à disparaître subitement, il ne restait plus qu'un vieil enfant de soixante ans, dont la physionomie, tour à tour in-