Page:Chergé - Guide du voyageur à Poitiers et aux environs, 1872.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
RUE BONCENNE.

création toute récente (1860-61), a pris le nom du Poitevin éminent dont nous vous avons déjà parlé (page 60) : elle ne pouvait mieux faire, car elle aboutit à ce palais de justice qui fut pendant si longtemps témoin des triomphes de l’illustre avocat, et où s’asseoient encore chaque jour des magistrats qui s’honorent d’avoir été ses élèves.

Cette rue a été ouverte à travers de vastes enclos aboutissant au couvent des Hospitalières, que nous avons vues transplantées aujourd’hui dans l’ancienne abbaye de Sainte-Croix, V. p. 145, et on ne peut nier qu’elle n’établisse une voie de communication fort directe de la gare avec le centre réel de la ville.

Sa largeur est convenable : et l’aspect des jeunes maisons qui la bordent ne ressemble nullement à la très-humble modestie des façades des logements du Poitiers d’il y a cinquante ans.

Mais ce facies élégant n’aurait-il pas son revers, comme toutes les médailles ? et certain renard moraliste qui passerait par là ne serait-il pas tenté de lâcher la fameuse apostrophe : « Belle tête ! mais… » ?

Ici, la cervelle en moins, ce serait ce vaste jardin d’autrefois qui permettait, sans qu’on fût obligé de les acheter au prix d’une longue course ou d’une exhibition de toilette plus fatigante (pour quelques-uns) que la course elle-même, de trouver chez soi l’utile agrément d’une promenade nécessaire aux chefs du ménage et l’air pur réclamé par les jeunes poumons de la famille nombreuse.

Il est vrai que la famille nombreuse s’en va comme les grands jardins et avec eux ! et précisément à cause de la toilette qu’il faut étaler aux exhibitions coûteuses de la promenade publique.

Sur cette moralité, bien sérieuse, n’est-il pas vrai ? car elle se rattache à l’une des plus graves questions de ces temps-ci, continuons notre course, et bornons-nous à effleurer la rue, comme la réflexion qu’elle a fait naître.