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Page:Chergé - Guide du voyageur à Poitiers et aux environs, 1872.djvu/89

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LA RUE DES JUIFS. — LA RUE D’ENFER.

vons sur la main gauche une petite rue étroite, au bout de laquelle existe une porte en ogive. En 1850, cette porte ogivale avait encore sa sœur jumelle à l’extrémité qui s’ouvre sur la rue du Collége. Une boutade sans motif sérieux, sans utilité réelle, l’a fait abattre.

A quoi pouvaient servir, direz-vous, ces deux portes, dans l’intérieur de la ville, loin des atteintes de l’ennemi ? C’était là le quartier spécialement affecté aux juifs ; c’était là qu’étaient parqués les membres de cette nation errante, si maltraitée au moyen âge ; et chaque soir, à l’heure où sonnait le couvre-feu, les deux portes étaient solidement closes, afin que, pendant la nuit, la race maudite ne pût communiquer avec les chrétiens, sur lesquels elle se fût livrée sans doute à d’atroces vengeances ou à d’horribles maléfices. C’était pour cette raison que cette rue, aujourd’hui appelée de Penthièvre, se nommait autrefois rue des Juifs.

Après la rue du Collége, suit la rue d’Enfer, « ainsi nommée sans doute », écrivait en 1781 un avocat, « parce que la procession de la Fête-Dieu n’y passait jamais, ou parce que sa pente est assez roide ».

Tirons notre chapeau à cette heureuse idée et poursuivons ; peut-être découvrirons-nous que cette rue d’Enfer s’appelait autrefois d’un autre nom, alors même que la procession de la Fête-Dieu n’y passait pas plus qu’en 1781.

En face la rue des Balances-d’Or, sur le mur lisse d’une maison neuve, n’apercevez-vous pas un haut-relief barbouillé de rouge, de noir et de vert, qui représente un personnage à figure humaine tenant dans sa main vigoureuse un arbre qu’il vient d’arracher, et l’on ne peut en douter, car les racines et les branches chargées de fruits qui ressemblent à des noix ont échangé leurs positions naturelles respectives ? Eh bien ! ce haut-relief servait d’enseigne parlante à un établissement situé dans la rue d’Enfer, qui portait alors le nom de rue du Noyer-Arraché.

La rue des Balances-d’Or (ainsi nommée probablement d’une enseigne de marchand) nous conduira, en