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CHAPITRE IX

L’HOMME AUX LUNETTES

— C’est une bonne chose que le bourgogne, dit le professeur tristement, en déposant son verre sur la table.

— On ne le croirait pas, à vous voir : vous le buvez comme si c’était une drogue.

— Excusez-moi, je vous prie, dit le professeur toujours tristement. Mon cas est assez curieux. Mon cœur est plein de joie, mais j’ai si bien et si longtemps joué le professeur paralytique que je ne peux plus me séparer de mon rôle. C’est à ce point que, même avec mes amis, je reste déguisé ; je parle bas, je fais jouer les rides de ce front comme si c’était mon front. Je puis être tout à fait heureux, mais, comprenez-moi bien, à la manière seulement d’un paralytique. Les exclamations les plus joyeuses qui me viennent du cœur se transforment d’elles-mêmes en passant par mes lèvres. Ah ! si vous m’entendiez dire : « Allons ! vieux coq ! courage ! », vous en auriez les larmes aux yeux.

— Je les ai, en effet, dit Syme. Au fond, ce rôle doit vous ennuyer un peu.

Le professeur eut un léger haut-le-corps et le fixa.

— Vous êtes un garçon bien intelligent, dit