Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/148

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pas. Les nerfs des deux camarades de combat étaient tendus à se rompre.

Tout à coup, Syme avança le buste et frappa légèrement le bord de la table. Il disait à son allié :

— J’ai une idée.

— Asseyez-vous dessus, répondit le professeur sans interrompre son monologue.

— Une idée extraordinaire, télégraphia Syme.

— Une extraordinaire blague.

— Je suis un poète, protesta Syme.

— Vous êtes un homme mort, répliqua l’autre.

Syme sentit le rouge lui monter jusqu’aux racines des cheveux. Ses yeux brûlaient de fièvre. Comme il le disait, il avait une idée, une idée qui s’imposait à son esprit avec l’autorité d’une évidente certitude. Reprenant son pianotage, il dit :

— Vous ne vous doutez pas combien mon idée est poétique. Elle a toute la délicieuse spontanéité du printemps.

Puis, il étudia la réponse de son ami ; elle était ainsi formulée :

— Au diable !

Et le professeur continua son monologue.

— Peut-être devrais-je plutôt dire, reprit Syme avec ses doigts, que mon idée a la fraîcheur salubre de l’air marin qu’on respire dans les forêts luisantes et humides de rosée.

Le professeur ne daigna pas accuser réception de cette communication.

— Ou bien encore, insista Syme, elle a cette