Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/195

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dispersait pas, ne s’éparpillait pas comme une foule ordinaire n’eût pas manqué de le faire. L’unité du mouvement avait quelque chose d’épouvantablement mécanique ; c’était comme une armée d’automates.

Syme communiqua son impression à Ratcliff.

— Oui, répondit le policier. Voilà de la discipline ! Voilà Dimanche ! Il est peut-être à cinq cents lieues d’ici, mais la peur qu’il inspire à tous ces hommes pèse sur eux comme le doigt de Dieu. Oui, ils marchent avec ordre, et vous pouvez parier vos bottes qu’ils parlent avec ordre, qu’ils pensent avec ordre. Ce sont des gens réguliers. Ce qui nous importe, c’est qu’ils disparaissent régulièrement !

Syme approuva de la tête. Et, en effet, la tache noire des ennemis allait s’effaçant de plus en plus, à mesure que le paysan frappait son cheval.

Le niveau du sol, assez égal en somme, s’étageait, de l’autre côté du bois, vers la mer, en vagues lourdes, dont la première moitié était assez escarpée. Cela rappelait les vagues de terrain des dunes du Sussex. Une seule différence : dans le Sussex, la route eût été brisée et anguleuse comme le lit d’un petit ruisseau, tandis que la blanche route française se dessinait, devant les fugitifs, droite comme une cataracte. La voiture descendit cette pente abrupte, et, la route devenant de plus en plus raide, ils aperçurent à leurs pieds le petit port de Lancy et un grand arc de mer bleue.