Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/22

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à développer avec abondance ses opinions. C’était un homme sincère et, malgré l’affectation de son attitude et ses grâces artificielles, un homme plein d’humilité au fond. C’est toujours l’homme humble qui parle trop ; l’orgueilleux s’observe de plus près. Il défendait les convenances et la respectabilité avec violence, avec exagération. Il louait la correction, la simplicité, avec emportement. Une odeur de lilas flottait autour de lui. À un certain moment, les sons lointains d’un orgue de Barbarie lui parvinrent et il lui sembla qu’une voix mystérieuse et menue s’élevait du fond de la terre ou d’au-delà pour accompagner ses héroïques discours.

Il n’y avait, semblait-il, que quelques minutes qu’il parlait ainsi, sans perdre du regard la fauve chevelure de la jeune fille, quand, songeant tout à coup qu’en un pareil endroit les couples ne devaient pas s’isoler, il se leva. À sa grande surprise, il vit que le jardin était désert. Tout le monde était parti. Il se retira à son tour, en présentant rapidement ses excuses.

La tête lui pesait, comme s’il avait bu un peu trop de champagne, — ce qu’il ne put, dans la suite, s’expliquer. Dans les incroyables événements qui allaient se produire, la jeune fille n’avait aucun rôle ; Syme ne devait pas la revoir avant le dénouement de l’aventure. Et pourtant, à travers ces folles aventures, sans qu’on pût dire comment, elle ne cessait de revenir, comme un leit-motiv, la gloire de son étrange chevelure fauve transpa-