Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/231

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— Et vous ? interrogea Syme en se penchant vers lui, et vous, qui êtes-vous ?

— Moi ! Qui je suis ? hurla Dimanche, et il s’élevait progressivement à une hauteur vertigineuse, comme une vague qui va, en se brisant, tout engloutir autour d’elle.

— Vous voulez savoir qui je suis ? continua-t-il. Bull, vous êtes un homme de science : étudiez ces arbres dans leurs racines et cherchez-en l’origine cachée. Syme, vous êtes poète : regardez ces nuages du matin, et tâchez donc de me dire la vérité sur les nuages du matin. Mais, je vous en préviens tous : vous aurez trouvé la vérité de l’arbre et la vérité du nuage que vous serez loin encore de ma vérité. Vous aurez compris la mer, que je resterai une énigme ; vous saurez ce que sont les étoiles, et vous ne saurez pas qui je suis. Depuis le commencement du monde, tous les hommes m’ont pourchassé, comme un loup, tous, les rois et les sages, les poètes et les législateurs, toutes les églises et toutes les philosophies. Jamais, jusqu’à cette heure, on ne m’a pris. Les cieux s’effondreront quand je serai aux abois. Je les ai tous fait joliment courir ! Ah ! ils en ont pour leur argent !… Et je vais continuer.

Avant qu’aucun d’eux eût fait un geste, le monstrueux personnage, comme un orang-outang gigantesque, avait enjambé la balustrade du balcon. Mais, avant de se laisser choir dans le vide, il se redressa à la force des poignets, et, dressant son