Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/33

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rendre cette justice que vous l’êtes encore. J’aurais vingt fois juré de me taire que je violerais vingt fois mon serment, pour le seul plaisir de vous faire baisser le ton d’un cran. Votre manière d’allumer un cigare induirait un prêtre à rompre le sceau de la confession… Vous vous disiez donc tout à fait persuadé que je ne suis pas un anarchiste sérieux. La pièce où nous sommes vous paraît-elle sérieuse, oui ou non ?

— Elle semble, en effet, cacher quelque moralité sous la gaîté de ses apparences, reconnut Syme. Mais, puis-je vous poser deux questions ? Ne craignez pas de me renseigner, puisque, très prudemment, vous m’avez extorqué la promesse de ne rien rapporter à la police. Vous savez assez que, cette promesse, je la tiendrai. C’est donc par simple curiosité que je vous questionne. Et, d’abord, que signifie tout cela ? Quel est votre but ? Avez-vous le projet d’abolir le gouvernement ?

— Nous avons l’intention d’abolir Dieu ! déclara Gregory en ouvrant tout grands ses yeux de fanatique. Il ne nous suffirait pas de détruire quelques despotes ou de déchirer quelques règlements de police. Cette sorte d’anarchisme existe, il est vrai, mais ce n’est qu’une branche du non-conformisme. Nous creusons plus profond, et nous vous ferons sauter plus haut. Nous voulons effacer toutes vos distinctions arbitraires entre vice et vertu, honneur et vilenie, auxquelles de