Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/52

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— Le camarade Gregory m’accuse d’hypocrisie. Il sait pourtant aussi bien que moi que je tiens mes engagements et que je ne fais que mon devoir. Je ne mâche pas les mots. Je ne sais pas mâcher les mots. Je dis que le camarade Gregory ne saurait être un bon Jeudi, en dépit des qualités qui nous le rendent cher. Il en est incapable précisément à cause de ces aimables qualités. Nous ne voulons pas d’un Conseil Suprême de l’Anarchie infecté de cette charité larmoyante. (Très bien !) Le temps n’est pas aux cérémonies courtoises, le temps n’est pas à la modestie cérémonieuse. Je me présente contre le camarade Gregory, comme je me présenterais contre tous les gouvernements d’Europe, parce que l’anarchiste qui s’est donné tout entier à l’anarchie ne connaît pas plus la modestie qu’il ne connaît l’orgueil. (Applaudissements.) Je ne suis pas un individu ; je suis une Cause ! (Nouveaux applaudissements.) Je me présente contre le camarade Gregory avec autant de calme et de désintéressement que je mettrais à choisir dans ce râtelier un pistolet de préférence à un autre. Oui, plutôt que de laisser entrer au Conseil Suprême un Gregory, avec ses méthodes édulcorées, je m’offre à vos suffrages…

La péroraison se noya sous une cataracte d’applaudissements. Les physionomies s’étaient faites de plus en plus énergiques et approbatives à mesure que la parole de Syme devenait plus violente. Elles étaient maintenant crispées par l’at-