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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/135

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« Les mauvais Rois trônent à l’aise sous leurs dais !

« L’habitude guérit de la honte ; mais quelle panique déchaînée,

« Quelle sauvage et pâle terreur, si jamais un Roi était bon !

« Quel ébranlement dans les cieux, quel prodige !

« Les hommes supportent aisément un maître injuste,

« Mais nul ne veut endurer un maître juste :

« Ses Nobles se soulèvent, ses Chevaliers le trahissent,

« Et il s’en va, comme je m’en vais — seul ! »

Une ombre se découpa près d’elle sur le gazon ; si préoccupée qu’elle fût, elle reconnut cette ombre. Braintree, rhabillé, rentré dans son humeur normale, (que certains considéraient comme fort mauvaise) l’avait rejointe dans le jardin.

Avant qu’il pût parler, elle dit impulsivement :

— J’ai découvert quelque chose : il est plus naturel de parler en vers qu’en prose ; de même qu’il y a plus de spontanéité dans le chant que dans le bégaiement. Pourtant, la plupart d’entre nous bégaient.

— Votre bibliothécaire ne bégayait pas, en tout cas, dit Braintree. On eût dit qu’il chantait. Il me semble que je viens d’entendre de la bonne musique. Tout cela me paraît très mystérieux. Quand un bibliothécaire arrive à incarner si merveilleusement un roi, il n’y a qu’une conclusion possible : c’est que le bibliothécaire n’était pour lui qu’un rôle. Il était excellent en Roi, mais je considère que sa création de Rat de bibliothèque gauche et embarrassé était plus remarquable encore. Est-ce l’usage des étoiles de théâtre de venir se cacher de la sorte dans l’ombre des bibliothèques ?

— Vous croyez qu’il jouait partout un rôle, dit